Vitalité, sincérité, apprentissage

La lecture d’un livre est souvent le moment pour reprendre des extraits, relever des idées qui correspondent à ses propres réflexions, ses recherches. C’est le cas avec l’ouvrage de William Gleason « A la source spirituelle de l’Aïkido, le Kototama » (Guy Trédaniel éditions). Si certaines parties de cet ouvrage sont très complexes, d’autres plus concrètes renvoient à notre pratique, mes sensations.

Vitalité, sincérité, fragile équilibre entre adversaire et partenaire, apprentissage sont les trois grands axes qui m’interpellent et m’amènent à écrire aujourd’hui.

 

Le Keïko est à la base de notre pratique, répéter inlassablement en considérant le dojo comme un lieu de combat. Pratiquée avec vitalité mais aussi avec humilité, notre discipline est une recherche perpétuelle de la perfection.

Cette perfection n’est pas un état à atteindre, un Graal qui une fois obtenu délivre de toute inquiétude, elle doit être trouvée dans la transformation constante. Cette transformation constante nous oblige à toujours garder l’esprit du débutant, à considérer chaque rencontre comme un obstacle de plus à traiter pour apprendre, apprendre sur la technique, apprendre sur soi.

Mais si s’entraîner ne veut pas dire torturer son corps, il faut pousser l’effort jusqu’à des limites qui permettront d’aller plus loin le lendemain. Cela ne rime pas avec blessures et arrêt du travail. La pratique doit pour cette raison rester intuitive. Cette sensibilité doit bien sûr s’adresser  à l’extérieur, se tourner vers le partenaire et dans la relation qui nous unit ; briser cette relation rend l’un ou l’autre vulnérable.

La sensibilité doit aussi être tournée vers l’intérieur ; elle permet ainsi de développer son propre savoir, son propre centre et de trouver dans chaque technique, avec chaque partenaire, quelque chose à garder en soi. S’il n’existe pas de perfection, de juste ou de faux par rapport à l’opinion, c’est la réalité de l’expérience qui prime dans le respect de grandes fondations inhérentes à notre recherche, certaines fixées par Maître Tamura.

« Plus nous dépensons d’énergie, plus nous recevons de Ki nouveau, frais ».

 

 

Celui qui permet notre recherche, attaquant et attaqué, le partenaire qui par son attitude va orienter notre travail est aussi notre enseignant. Du débutant au plus confirmé, ce double de nous même nous permet d’apprendre.

« Nous devons savoir nous laisser enseigner par un mouvement au lieu de l’interrompre ». De la saisie la plus rigide, la plus inutilement dure, à la saisie sans aucune offre énergétique, chaque contact doit être accueilli en ayant conscience de toutes les possibilités qu’il offre. Ce respect de l’autre qui nous attaque, que nous attaquons ouvre un grand champ de possibles qui d’un combat virtuel peut transformer un geste en un mouvement décisif dans le cas d’un combat réel.

L’honnêteté d’une attaque est bien sûr nécessaire pour comprendre comment résoudre un conflit. Ce qui doit aussi compter dans le cadre du dojo ce n’est toujours le « réussir à faire », d’accuser l’autre dans le cas contraire, mais de comprendre comment faire, comprendre avec le corps face à la difficulté puis de cultiver le « c’est comme… » afin de  généraliser le problème et d’arriver aux grands principes. Nous en revenons alors à la répétition avec tous, les plus solides, les plus durs, les plus souples sans les juger dans leur propre cheminement, les étapes qu’ils ont choisies de franchir.

«Par la pratique, le changement et les progrès viennent naturellement ». Profiter du plaisir de la pratique, garder l’esprit en éveil, répéter, être acteur mais aussi spectateur de sa propre pratique serait, est, à mon avis la voie à emprunter.

 

La présente réflexion part d’un constat lié à la pratique actuelle, la mienne et celle que j’observe, les pratiques de mes premières années et leurs évolutions. Ce sont des parallèles entre ce que je vis en tant qu’enseignant et en tant que pratiquant qui ont guidé mes réflexions éclairées par la lecture de l’ouvrage de William Gleason. J’ai voulu garder à l’esprit que toute pratique sincère ne peut être critiquée, ne peut être caricaturée que dans le contact direct.
On sait que l’apprentissage est l’interaction avec les autres êtres humains. Ce caractère fondamental de la pratique oblige dans l’Aïkido, dans les autres arts martiaux, à rester en état de recherche.
« On dit que la différence entre la réussite (la vie) et l’échec (la mort) est aussi fine qu’une feuille de papier ».