Actuellement, j’utilise le Jo dans mon entraînement personnel et dans mes cours comme support pédagogique permettant de travailler la mobilité, la souplesse des appuis de pieds, le relâchement des épaules. S’y ajoutent renforcement des cuisses et travail des postures de base, des fondations (kamae, kokyu, shiseï).
C’est à partir de la mise en parallèle de séquences prises dans différents katas et de déplacements de base dans le travail à mains nues que j’axe mes cours afin de faciliter la compréhension fine, par la répétition d’exercices individuels.
2. Dans un article précédent, vous insistez sur l’importance de l’étude des armes pour construire la pratique et le pratiquant. Quelle spécificité accordez-vous au Jo, notamment par rapport au Ken ?
Le travail aux armes constitue, à mon sens, la genèse de notre pratique et je continue de penser qu’oublier ce travail éloigne des origines.
Pour ce qui est de l’étude du Jo, j’inscris la pratique dans le Keïko de l’aïkido, une pratique plus individuelle que l’étude classique avec un partenaire mais toute aussi exigeante car basée sur les répétitions sans le support de l’autre, sans un résultat immédiat.
Les différents exercices pratiqués en garde de base (garde à gauche: hidari hanmi) mais aussi en garde à droite visent à développer la motricité fine, aident à ressentir les points d’appuis, l’ancrage au sol. Ils fortifient le corps, permettent d’apprendre sur soi sans le problème de la confrontation à l’autre, face à soi-même.
Le dojo, lieu de pratique habituel, peut alors être remplacé par différents lieux aux sols plus meubles, plus glissants, plus caillouteux, où les appuis deviennent difficiles.
Ce travail individuel permet de mettre son corps en ordre, dans le sens de Kamae, de le préparer pour la pratique à deux. On peut ainsi insister sur le Shiseï, sur le Kokyu, sur le placement des pieds, les déplacements en utilisant des consignes simples (ne pas balayer le tapis avec les pieds).
De l’extrême lenteur à la recherche de la vivacité, les exercices permettent de ressentir l’équilibre du corps, de ressentir l’espace autour de soi. Il s’agit de prendre conscience de ces différentes sensations par un investissement complet dans l’attitude, la mobilité puis de réinvestir celles-ci dans le travail à deux.
Bien sur, l’étude de katas au Jo fait partie des exercices et la rigueur nécessaire pour leur réalisation aide à travailler positions, déplacements, mémoire, gestion du rythme, de la respiration.
3. Pouvez-vous préciser le lien que vous faites entre le Jo et le travail à mains nues ?
Le lien avec la pratique à mains nues est la raison principale des exercices individuels que je pratique et propose.
Ainsi, ce sont les différents taïsabaki de base que je vise dans un 1er temps.
Par exemple, à partir des 3 exercices de base, je propose 3 enchaînements (irimi, irimi henka, irimi tenkan) que les élèves retrouvent ensuite dans le travail à mains nues, l’accent étant mis sur la position des pieds, c’est le relâchement des épaules qui par extension est atteint.
Je propose également d’imaginer le Jo comme ligne d’attaque de Aïté que l’on doit contourner, frôler au plus près pour amener le déséquilibre.
Par de fréquents passages à genoux, j’amène les élèves à réfléchir à l’abandon de l’équilibre dans un axe vertical que l’on retrouve dans différents Kokyu nage.
Certaines positions de pieds peuvent être étudiées (Hito émi par exemple), systématisées pour devenir naturelles dans le travail à 2.
4. Les pieds à la fois enracinés dans le sol mais légers sur les appuis, les mains fermes sur le Jo mais non figées. Pouvez-vous développer ces paradoxes tant du point de vue de la posture que des sensations ?
C’est le paradoxe même de l’aïkido où il faut à la fois être souple pour diriger l’adversaire, guider le partenaire, ressentir les directions mais également être puissant pour le projeter, l’immobiliser au bon moment.
Des attitudes trop figées, trop laxes ne permettent pas d’être à l’écoute des sensations, à l’écoute de l’autre. Il en est de même avec le Jo. Genoux verrouillés, mains serrées sur l’arme, épaules bloquées ne permettent pas au souffle de circuler, aux jambes de « vivre ». Inversement, les hanches et les genoux vrillés ne donnent aucune puissance aux piques, aux frappes.